En montant à Ventiseri par la route de Cavone, on peut apercevoir sur les hauteurs, les ruines du château de Covasina, appelé aussi Castello di Carlomagno, dont les vestiges datent du IXème siècle, époque Carolingienne.
Ce château était le bastion d'une seigneurie qui fut souvent mêlée aux guerres Corses.
L'existence de ce bâtiment médiéval est déjà attestée par le chroniqueur Giovanni della Grossa dès le XVème siècle, lui-même s’étant appuyé sur des récits plus anciens issus de la tradition orale pour son ouvrage « Cronica corsesca ». Il évoque l’arrivée d’un certain Truffetta, seigneur de Mayence et envoyé par Charlemagne pour combattre les Biancolacci, une puissante famille seigneuriale du sud de la Corse. Le chroniqueur mêle à cette histoire des figures qui donnent au récit un air de roman épique, tels qu’Ugo Colonna (figure mythique de l’île et fondateur de ses plus grandes lignées nobles) et Ganelon de Mayence (personnage de La Chanson de Roland, beau-frère de Charlemagne ayant trahi sa famille). Sorti victorieux de l’affrontement avec les Biancolacci, Truffetta devient seigneur de Talabo et fonde alors plusieurs forteresses, dont celles de Covasina, Pietrapola (du nom de sa sœur, Pola) et Poggio di Nazza. Il les lèguera à ses trois fils après sa mort.
Au Moyen-Âge, Covasina devient également un centre religieux et administratif. La pieve de Covasina, entité territoriale typique de la Corse médiévale, regroupe alors les villages de Ventiseri, Solaggio (Solaro) et Ornaso (Serra-di-Fiumorbu). Les soubassements d'une chapelle à abside, peut-être dédiée à San Michele ou Sant'Antone, sont encore visibles tout près du château. À partir du XIVe siècle, les Génois remplacent les Pisans et l’île devient un enjeu stratégique pour la puissante république maritime. Les grandes familles génoises s’installent durablement dans le Fiumorbu. En 1586, la plaine d’Aleria et les pieve de Cursa, Covasina et Castello sont intégrées au fief des Porette. Mais cette prospérité apparente masque une réalité difficile : les Corses fuient peu à peu la plaine, victime de razzias, de la malaria, puis de la peste. Ils se réfugient dans les collines, puis dans les montagnes, au-dessus de 700 mètres d’altitude. Seuls les habitants de Covasina semblent conserver une vie en plaine.
Le château et ses secrets : entre passé visible et hypothèses enfouies:
Si les études menées sur les vestiges du château ne permettent pas d’attester de la véracité des ces récits, elles confirment néanmoins la datation du bâtiment : les éléments les plus récents datent du XVIIème siècle et les plus anciens du IXème. Dans les pierres, les époques et les influences s’entremêlent. On y observe des traces monumentales, comme des escaliers imposants ou les voussures de la salle d’armes, qui illustrent un long processus d’agrandissements et de rénovations jusqu’au XVIIe siècle. Certains éléments architecturaux plus anciens restent d’inspiration mérovingienne ou carolingienne, rares en Méditerranée. Des études récentes montrent que les ruines actuelles ne correspondent qu’à un pan du château original, édifié sur un modèle très ancien et inconnu en Méditérranée.
Des briques romaines encore visibles dans les fondations du château suggèrent également une occupation encore plus ancienne du site, probablement les vestiges un praesidium romain (poste avancé de surveillance et de défense du littoral) sur une ancienne place forte. Cela rejoint les écrits du géographe grec Strabon qui évoque une cité lacustre située sur les berges de l’étang de Palu qu’il appelle Karax (signifiant "étang" en grec ancien). Ce territoire était alors un centre économique animé grâce au port de Palo, dont les installations, révélées par une carte d'état-major de 1938, s’étendaient sur plus de cinq kilomètres jusqu’au pont de Travo. Les structures géométriques observées suggèrent même un port à double entrée, signe d’une architecture portuaire élaborée.
Le site de Covasina présente un potentiel exceptionnel pour l’étude du haut Moyen Âge en Corse, une projet de recherche architecturale et archéologique est d'ailleurs en cours.